Pourquoi une entreprise verse un dividende ?

La politique de dividende est le paramètre interne qu’une entreprise utilise pour déterminer la part du bénéfice de l’entreprise qu’elle distribuera aux actionnaires. En effet, la décision de distribuer des dividendes est l’une des principales décisions financières que les entreprises doivent prendre en considération. Depuis les travaux de Lintner J. (1956), de nombreuses études ont été menées pour comprendre l’importance d’une politique de dividendes bien maîtrisée dans la création de valeur de l’entreprise. Or, cette dernière reste une énigme non résolue sous prétexte de manque de réponse définitive à la question éternelle de savoir si cette stratégie crée ou détruit la valeur.

Toute entreprise qui se crée a besoin de capitaux propres pour prendre des risques. Ces capitaux propres lui sont apportés par ses actionnaires qui réinvestissent ainsi le produit de cessions d’autres actions ou celui de dividendes versés par des entreprises plus grandes, ou encore d’autres sources d’épargne.

Si l’entreprise ne fait pas faillite, elle se développe et consomme à cet effet des capitaux propres qui lui sont apportés par ses actionnaires actuels, ou des nouveaux. Au bout d’un temps plus ou moins long, elle dégage des résultats positifs, puis son rythme de croissance va ralentir car, même les arbres ne montent pas au ciel (adage boursier). De ce fait, son rythme d’investissements va se ralentir, elle va donc dégager des flux de trésorerie positifs dont elle n’a pas l’usage. Elle pourra les utiliser pour se désendetter, puis verser des dividendes.

Et c’est très sain ainsi car, après avoir bénéficié d’injections de capitaux propres quand elle en avait besoin, elle se met à un moment donné à les restituer sous forme de dividendes ou de rachats d’actions à ses actionnaires.

Une politique de dividendes efficace est celle qui répond à ces contraintes par « l’optimalité » du ratio de distribution des dividendes. La difficulté qui intervient dans ce sens est la recherche d’un ratio qui répond ou qui converge les diverses optiques des parties prenantes concernées. La question qui s’impose dans ce cas est : quelle doit-être la politique de dividendes pour une meilleure répartition des cash-flows générés ?

Les dirigeants « non-actionnaires », cherchent une politique plus pratique en préservant la trésorerie disponible, sans affecter l’autofinancement de l’entreprise et en même temps préserver les intérêts des actionnaires. Les objectifs de la firme doivent être centrés sur les actionnaires et les décisions financières doivent contribuer à maximiser leur richesse. Il s’agit de maximiser la valeur de marché des titres de propriété compte tenu des différentes contraintes qui s’exercent sur l’entreprise.

Lorsqu’une entreprise génère un excédent de free cash-flow, les dirigeants peuvent être tentés de le réinvestir dans des projets qui ne génèrent pas nécessairement une valeur économique adéquate (le risque du free cash-flow). Le cash en excès incite les managers à accroître la taille de leur société au-delà du niveau optimal pour plusieurs raisons. Cela leur permet d’augmenter les ressources sous leur contrôle, et par répercussion, d’augmenter leur pouvoir discrétionnaire et leur prestige. Une entreprise plus grande peut renforcer la position des dirigeants, même si cela ne maximise pas la valeur pour les actionnaires (Mueller 1969 ; Charreaux 1997). De plus, la théorie de Kevin J. Murphy (1985), met en évidence que les dirigeants, lorsqu’ils disposent d’une latitude décisionnelle importante, peuvent être tentés d’accroître leur rémunération personnelle, parfois au détriment des intérêts des actionnaires. Les dirigeants peuvent privilégier des décisions qui augmentent leur propre rémunération même si ces choix ne maximisent pas la valeur pour les actionnaires. Autant d’actions qui peuvent diminuer la valeur globale de la firme.

Pour limiter le risque du free cash-flow (surinvestissement) et le risque de conflit entre les actionnaires et les dirigeants (théorie de l’agence, coût d’agence), l’étude de Michael C. Jensen en 1986 et l’étude de Frank H. Easterbrook en 1984, propose à cet effet deux mécanismes régulateurs qui sont l’endettement et les dividendes.

L’endettement et le recours à un financement externe permettent de faire discipliner le dirigeant à cause du risque de défaillance qu’il fait courir à la firme. Cette discipline est due au fait que le dirigeant sera contraint de fournir davantage de garantie sur la performance et la gestion de l’entreprise afin de démontrer la capacité de la firme à rembourser ses créanciers. Ainsi, cette discipline, imposée par le marché, possède un certain effet régulateur de la relation conflictuelle entre le dirigeant et les actionnaires externe puisque la dette incite une meilleure transparence et réduit les comportements opportunistes qui pourraient être préjudiciables aux apporteurs de capitaux.

Dans une autre mesure, la distribution de dividendes ou le rachat d’actions permet de réduire les liquidités disponibles ce qui limite les comportements opportunistes des dirigeants. En payant des dividendes, les dirigeants ont moins de liquidités à leur disposition, limitant ainsi le risque qu’ils investissent dans des projets non-rentables ou qui servent leurs propres intérêts.

Le dividende a pour objectif premier de rendre aux actionnaires des fonds qui ne trouvent plus à s’investir dans l’entreprise à un taux de rentabilité qui correspond au moins au coût du capital, évitant ainsi de détruire de la valeur. Tout euro sécrété par l’entreprise ne doit y être réinvesti qu’à un taux de rentabilité au moins égal à celui exigé par les pourvoyeurs de fonds, le coût moyen pondéré du capital (CMPC), sinon il y a destruction de valeur et il vaut mieux restituer cet euro.

Eugène Fama et Kenneth French ont exploré des concepts liés à la performance des entreprises en fonction de leurs investissements. Leurs recherches montrent que les entreprises qui investissent de manière plus conservatrice (moins agressive) ont tendance à générer des rendements plus élevés que celles qui investissent massivement. Cela peut s’expliquer par le fait que les entreprises conservatrices gèrent mieux leurs ressources et évitent les risques excessifs, tandis que les entreprises agressives peuvent surinvestir dans des projets non-rentables.

Pour finir, laisser trop d’argent dans la trésorerie, c’est prendre le risque élevé de détruire de la valeur. Garder des liquidités excessives dans une entreprise peut effectivement entraîner des pertes potentielles de valeur. Ces fonds pourraient être investis dans des projets à haut rendement, des expansions, ou d’autres opportunités de croissance. Enfin, l’inflation peut éroder la valeur de l’argent au fil du temps. Cette circulation est même bénéfique à l’ensemble du marché, les liquidités rendues pouvant être affectées à d’autres entreprises ayant des besoins de développement. Le dividende est un outil efficace pour faire circuler l’argent dans l’économie.